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pas ? |
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La Cause Morale
I
Les Pulsions Morales
Freud
parle de pulsions naturelles, parce qu’il parle en
médecin et qu’il réduit
l’être humain au savoir médical en cours
à son époque. Ainsi à partir de cette
base réduite, il peut élaborer une
théorie cohérente de la psyché humaine.
Pour nous selon notre expérience et nos
réflexions sur l’être, il nous est
apparu que les forces en jeu dans la psyché
étaient aussi bien purement morales. Aussi je parlerais de
la dialectique de deux forces :
- La pulsion de
contrainte
- La pulsion de
liberté
Ces deux forces/pulsions/principes ont donc une origine purement morale
et en même temps réelle, bien entendu,
c’est à dire liées aux conditions
réelles d’existence, à
l’entourage, à l’environnement, au monde
extérieur.
Je rappelle que pour Freud les deux pulsions antagonistes sources, sont
Éros et Thanatos. Ce sont donc des pulsions biologiques. Qui
prennent dans la psyché humaine telle apparence
déterminée, selon le mode
représentatif choisi au travers duquel elles
s’expriment, comme au travers d’un
médium. Ces deux pulsions sont en effet des
réalités métaphysiques. Voire
transcendantes. Par quoi curieusement la psychanalyse freudienne renoue
avec la pensée mythique antique.
Pour nous les pulsions morales (de libération et de
contrainte), sont des réalités en soi, qui
appartiennent à la sphère morale
d’emblée, par nature, par définition.
Autrement dit la psyché n’est pas
expliquée à partir d’une base
biologique sous-jacente supposée, à partir
d’une réalité réductrice
à visée simplificatrice.
De même nous nous opposons à la théorie
lacanienne qui réduit la psyché au langage. Ou
qui fait du langage la cause première à partir de
laquelle la psyché se structure et se détermine.
En tous cas, c’est selon cette orientation que les lacaniens
comprennent l’être. C’est une
façon pour eux de se donner les bases nécessaires
à la construction de leur théorie.
Nous nous contentons de l’expérience existentielle
comme fondement de la pensée théorique sur
l’être. Et même nous
préférons nous interdire toute
métaphysique.
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* *
La pensée rationnelle a besoin de bases solides pour exister
et se développer. Nous voudrions penser
l’être à partir de l’Ouvert,
à partir de son indétermination fondamentale.
Soit ce qui pourrait être nommée cause ouverte, ou
cause réelle.
La pulsion de contrainte et la pulsion de liberté sont les
produits du réel. C’est à dire de la
cause indéfinissable de l’être. Ce sont
des pulsions dialectiques, autrement dit qui ne prennent sens que
l’une par rapport à l’autre, de
façon relative.
Les croyants peuvent mettre le
Père s’ils veulent à la
place de la cause réelle. Cela ne change rien au niveau du
raisonnement. Soit au niveau de ce qui concerne l’individu
réel, produit de cette cause réelle. Il est lui
en effet toujours soumis à cette dialectique morale des
forces de liberté et de contrainte.
*
* *
On pourrait aussi faire une interprétation sociale ou
sociologique des forces morales. Dire que la
société est cause de la division subjective
contrainte/liberté. C’est là faire une
division dans l’être entre l’individuel
et le social, au lieu de comprendre les deux comme une unité
dialectique en réalité indissociable.
C’est à dire que la société
est elle même divisée moralement par les deux
principes contrainte/liberté.
Quand nous parlons de l’être nous parlons
à la fois de l’être social et de
l’être individuel, de l’être
naturel, corporel et de l’être spirituel, psychique.
Alliance
de la Division Morale
*
* *
II
La Division Morale
Reste à penser la division morale et à en
déduire une éthique rationnelle. Ce qui est la
charge de notre responsabilité d’êtres
conscients. Autrement dit, cette détermination
d’une éthique nous concerne tous, c’est
à chacun d’en faire l’effort,
collectivement et individuellement. Car il n’y a pas de
solution finale, globale, universelle de cette dialectique.
Si Père il y a, il est inconscient, autrement dit il est
indéterminé en tant que volonté.
C’est à l’individu social concret de
déterminer, d’interpréter cette
volonté. Il n’y a pas de relation
immédiate au Père. Il demeure transcendant,
infiniment éloigné de nous. Et en même
temps proche, mais paradoxalement, mystérieusement, dans le
secret des coeurs.
C’est le principe d’une indétermination
fondamentale sur laquelle repose notre conception de
l’être humain, en tant qu’être
moral.
* * *
Ce qui nous libère de cette dialectique, car elle nous
apparaît comme sans solution, c’est
l’amour. Soit on reste éternellement prisonnier de
la dialectique contrainte/liberté, ou comme dit
l’apôtre Paul
prisonnier de la Loi, soit on la dépasse dans
l’accueil gratuit de l’amour sans condition. Et par
là on sort de l’aliénation.
Mais ce mouvement est en fait toujours à recommencer, il
n’est jamais parfaitement accompli. Sinon il n’y
aurait plus d’histoire, plus de devenir, et
l’être cesserait d’être
indéterminé dans sa cause fondamentale. Il
deviendrait alors une réalité purement objective,
non vivante. Une mécanique morte.
Or le Père, autre nom de la Cause Réelle, si
Père il y a, nous a voulu vivants, et non seulement comme
corps, mais aussi comme esprits. La vie de l’esprit est donc
située dans cette structure dialectique des pulsions morales
de contrainte et de libération. Avec sa solution
transcendante dans l’amour. Mais solution heureusement non
parfaite.
La solution parfaite en effet, c’est la mort. Soit
l’amour parfait, c’est la mort...[1]
La vie suppose la séparation. Sans séparation, il
n’y a plus de vie. L’amour parfait, c’est
l’abolition de toute séparation. C’est
le choix de la mort. L’amour du Père est donc
modéré par la nécessaire
séparation d’avec le Père. Séparation salutaire.
Le Père nous voulant vivants, nous a voulu
séparés. A nous de consentir à la vie
séparée sans y voir une condamnation, mais au
contraire en l’affirmant et en la supportant avec
dignité. Comme fils du Père reconnaissants et
aimants. Et comme ses représentants sur Terre.
A nous de déterminer donc ce que doit être la Vie sur Terre. Car
le Père nous a donné ce pouvoir, cette
responsabilité, cette charge. Parce que nous pouvons la
supporter. Pas uniquement pour nous démontrer nos faiblesses
et notre vanité (thèse luthérienne -
que j’ai déjà cité comme
exemple d’une solution psychologique historiquement
située de la division morale, sans adhérer pour
autant à toutes ses conséquences dogmatiques).
La séparation est bonne, elle est vie.
Alliance
de la
Vie Terrestre
* * *
Le père est la version morale de la cause réelle
; la cause réelle dans sa dimension morale.
L’esprit est la puissance féconde du
père qui se manifeste dialectiquement selon les deux
pôles de la puissance de contrainte et de la puissance de
libération. Mais ces deux puissances dialectiques,
relatives, sont donc en fait une seule et même puissance :
celle de l’esprit du père.
Maintenir l’idée d’une dimension morale
et penser l’être à partir
d’elle est tout à fait légitime. Parce
que cette dimension existe en l’homme et que rien
n’interdit de la penser comme une dimension réelle.
L’homme est la seule conscience vivante dans le cosmos. Pas
seulement sur Terre. Dans tout l’univers. Il n’y a
qu’une seule humanité et qu’une seule
Terre, lieu unique d’avènement de la vie
consciente. Cela suppose aussi l’avènement de la
dimension morale qui est une dimension inaliénable, pleine
et entière de l’être et qui doit
être pensée comme telle. Avec autant de
légitimité que la dimension matérielle
dont s’occupe la science. Avec aussi autant de
rationalité.
Nous sommes nous sur Terre les témoins vivants,
engendrés par l’esprit du père, de la
cause morale et de ses effets : la création, la vie, la
conscience. Car l’être devait avoir un
témoin pour être parfait. Et ce témoin
c’est l’homme. Comme il devait avoir un lieu pour
se réaliser pleinement, un lieu
d’élection choisi parmi une infinité
d’autre : la Terre.
(Je reste ici
plutôt fidèle à la philosophie de
l’esprit de Hegel, petit clin d’oeil au
maître ;)
[1]Ici
il y a un mystère : ce qui doit mourir c’est le
vieil
homme, l’homme selon la chair, prisonnier de la loi et du
péché comme dirait Paul, l'homme
aliéné
comme nous disons simplement. A la place doit advenir ce que les
évangiles nomment le fils de l’homme,
engendré par
l’esprit du père, le fils du ciel, qui sera pour
nous
simplement l'homme libéré, pleinement conscient
de son
être, habitant absolument son lieu.