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Programme Anti-rationaliste


Je suis né dans un hôpital, comme beaucoup d'entre vous. C'est toute une organisation du monde et de la vie, de la société qui est impliqué par là. Je n'est pas choisi de naître là, mais c'est ce qui m'a en partie façonné, souvent contre.

Par exemple au départ on a dit à ma mère qu'il n'était pas bon qu'elle réponde à mes appels. C'était l'infirmière qui réglait les heures de "visite" comme en prison. Nous devions obéir, nous les êtres biologiques apeurés, à l'horloge maître de la règle et de la loi.

Ici aucune reconnaissance de la parole, du désir propre. Ou simplement du plaisir partagé de la tété entre la mère et l'enfant. On ne tète que pour se nourrir, comme de bien entendu, comme on ne fait l'amour que pour procréer.

On n'était pas à l'église pourtant. Cet hôpital ne dépendait pas de l'église. Il était bien sensé être laïque, scientifique, rationnel. mais à cette époque (1963) c'était comme ça en France.

Est-ce que les choses ont bien changées depuis d'ailleurs ? Je ne crois pas. Simplement aujourd'hui il y a de moins en moins de place à l'hôpital et il faut payer de plus en plus cher pour pouvoir exister, faire naître un enfant, habiter quelque part.

L'existence est devenue un luxe réservé à une certaine classe. Les autres n'ont plus qu'à crever en silence dans la misère. Nous n'avons plus les moyens d'être solidaires : ce n'est pas rentable !

Avant il y avait de grandes institutions collectives qui s'occupaient tant bien que mal des masses. Aujourd'hui c'est l'heure de triomphe du libéralisme conquérant. Ce n'est pas pour ça que nous allons mieux.

C'est un nouveau discours, c'est tout. C'est à dire un truc auquel on est encore sensé obéir sans réfléchir, parce que c'est la Loi, que c'est comme ça et qu'on n'a pas le choix. Encore un discours rationnellement étayé. Et qui a pourtant bien des accents religieux si on y prète bien l'oreille : c'est pour votre Bien, nous dit-on en résumé.

Les mauvais sont ceux qui divisent, qui disent NoN au grand maître investit de tous les pouvoirs jusqu'au charismatique et bientôt sans doute, il va guérir les écrouelles.

Comme nous avons lutté dans les années 60 pour changer ce qui n'allait pas dans notre monde, il faut encore lutter aujourd'hui, contre cette espèce de religion inconsciente qui englue les esprits.

Pourquoi ne pourrions nous avoir une religion aimable, stable comme les sociétés traditionnelles ? Parce que notre société de par sa structure, est une société ouverte, dialectique, évolutive. Elle ne se maintient que pour autant qu'elle change de forme.

C'est pour cela que j'ai proposé il y a quelques temps déjà, une Alliance Ouverte, qui reprends la fonction de la religion qui est de rassembler les gens autour d'un foyer, mais de façon adaptée à ce que nous sommes réellement. Ce serait donc la religion consciemment définie de notre société démocratique moderne.

Par là nous pourrions sortir de la religion inconsciente, non pensée, parce que d'abord refoulée. La religion ce n'est pas le politique. Il ne faut pas confondre les niveaux. La religion concerne les bases, les fondations, l'origine et la structure d'une société. Le politique ne s'occupe lui que de l'organisation pratique, de la mise en ordre et en forme concrète.

J'ai de la religion une définition sociologique, durkheimienne. Je crois que toute société suppose une religion, même si elle est inconsciente. Pourquoi aurions nous peur de ce terme ?

Ne plus refouler le religieux, c'est le dernier pas auquel nous convie la méthode psycho-analytique instaurée par Freud. Ce dont il avait déjà indiqué les prémices dans des livres comme Totem et Tabou ou L'homme Moïse et le Monothéisme. Suivre ces pas (Durkheim/Freud) c'est éviter le retour catastrophique du refoulé et préparer un meilleur avenir, plus clair et plus serein.