Il est possible de penser Antiquitées

Sortie d'analyse


Quel lien y a-t-il entre la psychanalyse et le communisme ? C'est que l'inconscient doit être compris comme la manifestation (l'inconscient n'existe qu'à travers le symptôme qui le manifeste) du tout qui commande l'être particulier.

Ce tout n'existe que dans le plan symbolique. Cependant le rapport de l'être particulier au tout suppose aussi la division, la séparation. Il s'agit d'un rapport dialectique.

Ce pourquoi on ne peut constituer une société qui soit l'incarnation du principe absolu, du tout. Il faut consentir à cette aliénation qui est aussi une libération. Le tout n'est jamais identifiable (sinon on tombe dans l'idolâtrie). Il divise autant qu'il rassemble.

Il faut penser le tout à la manière d'Héraclite. C'est-à-dire d'une façon anti-totalitaire. La démocratie est en cela notre modèle politique.

Dans le domaine du savoir, c'est la même chose. Lacan a indiqué la voie qui menait à la connaissance absolue. L'objet chute, mais sa place demeure. C'est celle de la lettre : pur désir.


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Reste à penser l'exception juive. Ici l'absolu a réussi à s'incarner comme principe national. Cela transcende les limites de la raison raisonnante (de son propre vide). Israël manifeste l'impossible du réel. Il est en fait une cause de division et de guerre dans le monde. Est-ce une malédiction, une fatalité ?

Pourquoi l'absolu doit-il aussi signifier notre échec ? Ce n'est pas à cause d'une faute dont nous serions coupables (interprétation qui autorise toutes les manipulations). C'est un fait de structure : une loi.

Alors il n'y a pas d'espoir d'en sortir, d'en réchapper, de l'aliénation, du manque, de l'absence ? Jésus n'est-il pas l'illusion suprême ?

Il faut penser les choses dialectiquement jusqu'au bout : l'illusion est aussi nécessaire pour sortir des certitudes terre-à-terre, du bon sens commun, qui prétendent enfermer l'être dans un savoir sans horizon, sans ouverture vers l'impossible.

Que serait l'humanité si elle n'était pas mue par le désir de transcendance ? Il faut penser l'absolu jusque dans ses extrêmes limites, là où il n'est plus que principe de division : croix du désir.

Choix du désir. C'est par cela que je demeure humain au milieu de l'enfer. Et que je le détruis. Ici Je ce n'est plus moi. C'est exactement le moi sacrifié sur la croix de feu du désir (Mahabharata).


Freud

Qu'est-ce qui a conduit Freud vers la découverte de l'inconscient ? Un désir singulier, et qui ne se fonde pas en raison, malgré ce que peut en dire la propagande lacanienne (ce que Freud a découvert, Lacan le fonde, affirment-ils pompeusement).

Désir d'enfer : désir du pire plutôt que du père. Désir du feu où brûle l'image du père.

Freud, fidèle au positivisme rationaliste de son époque, a mis l'inconscient à la place de l'enfer. Mais à cette place, comment est possible un savoir ? Ne faut-il pas un homme particulièrement bien trempé, possédant une âme de forgeron, une âme de fer, pour faire pareille œuvre ? Dans la tradition, le forgeron est toujours une figure infernale...

Freud a forgé l'enfer. Des chaînes de fer qui sont celles de la psychanalyse : toi qui entre ici, abandonne tout espoir. A quoi nous lie la psychanalyse ? À un savoir justement : un savoir comme enfer !

Or comment se défaire de ces liens de fer ? En choisissant le pire plutôt que le savoir : en acceptant la purification salvatrice du feu. C'est le choix qui sauve des enfers, soit de la crainte de brûler.

Le feu, c'est ce qui libère. Qui le craint demeure aliéné. Freud a forgé sa théorie à partir de ce constat.
L'Œdipe n'est qu'allégorie, métaphore du réel. Puisque le réel ne peut se manifester qu'à travers la médiation du symbolique. Et puisque le symbolique, c'est un autre nom du feu, origine de toute civilisation.

Je dis ce qui est. Tant pis si cela ne vous plaît pas. A la place du nom du père, je mets le nom du feu. Cela fond les chaînes du savoir. La liberté est le seul absolu.

Pour qui travaillait Freud alors ? Pour quel maître supposé ? Bientôt on allait inventer les fours crématoires : depuis ce temps la grande chaudière n'est plus un mythe. Ce qui signifie que nous sommes sortis de l'ère mythique. On ne peut plus penser en termes mythiques (Jung a eu tort contre Freud). Mais la raison n'est pas forcément une chaîne. Penser rationnellement l'enfer, c'est ce qui nous libère de l'emprise du maître, de sa dictature. Car son pouvoir ne se maintient ici-bas que par la crainte : "Vous serez jugé ! Mais moi, je vous libère de votre culpabilité" - dit-il. Or l'enfer, c'est ce qui libère de toute crainte. Puisqu'il est à la fois le jugement et la purification.

La psychanalyse, c'est la solution rationnelle de l'enfer du savoir. La passe par le pire. Freud a inventé la psychanalyse parce qu'il n'avait d'autre maître que son désir de savoir à la place du maître. Freud, c'est
Œdipe couronné. Mais il accepte de succomber à l'enfer de son désir : il ne le refoule pas. Il accepte le feu. De sang froid.

Freud n'a pas inventé la foudre. Mais à suivre ses traces on sent une odeur de souffre. La seule façon de vaincre le maître, c'est de passer par le feu avant qu'il ne vous y mette ! On est alors guéri de la névrose, de la résignation fataliste ou masochiste (perverse).

Freud certes n'aimait pas le maître : Herr Fuhrer ! C'était sa cause de haine. Ecce homo. Tout le monde n'accède pas à l'absolu de la haine. Elle est trop souvent étouffée, sous de multiples prétextes, dont bien sûr certains religieux.

La vérité nous dit Freud, c'est l'enfer ! Débrouillez-vous avec ça. Et tant pis si ça vous empêche de dormir tranquille. La conscience prévient le passage à l'acte. Et s'il a lieu, ce sera en toute connaissance de cause : froidement. Éthique de l'assassin : la méthode avant tout ! La joie est en plus.

Qui est coupable ? Celui qui recule devant l'horreur de son désir. Voilà. Nous allons enfin pouvoir devenir des hommes. Devenir ce que nous sommes vraiment : des assassins.

Homme, n'oublies pas de garder une part pour le feu.

Lacan a corrompu Freud : il a recouvert ce qu'il avait découvert. A la place du tranchant de son désir, il a mis le mot : motus. Fétichisation du signifiant, au prix du sacrifice du signifié. Moi je rends à Freud sa couronne. Et j'emmerde tous les terroristes, les aliénés du tout, de la masse à laquelle ils restent fixés, les pauvres. Incapables de devenir acteurs de leur désir propre (ils ont trop honte).

Qu'ils pourrissent dans leur honte ! Le feu guéri de la pourriture.


Qu'est-ce que l'inconscient ?

L'inconscient est un abîme sans fond, un abîme noir. C'est une réalité que la science ne peut saisir, mesurer avec ses appareils techniques. Elle est pourtant concrète. Il ne s'agit pas que de représentation : c'est du réel.

Cette réalité, j'en ai fait l'expérience subjective et j'en ai été profondément bouleversé. Exit la théorie freudienne du refoulement pulsionnel (nécessaire), de l'angoisse de castration que le conflit œdipien génère, et la théorie lacanienne du refoulement du symbolique. Pour cette dernière, la lettre plutôt que la loi est cause du désir qui interdit la jouissance. Ce dont le père 
pour l'enfant, représente l'actualisation dans le système familial. Car il n'y a de père qu'à partir de la dimension symbolique (cf. le concept de nom-du-père).

Tout cela a bien une consistance relative, une consistance logique. Mais dans l'absolu, il ne reste plus rien de ces belles théories. Il n'y a que le réel de l'abîme. Ce que l'on ne peut regarder sans être aussitôt métamorphosé en statue de pierre et ce n'est pas la castration de la femme, le manque de ce quelque chose qui appellerait en réponse l'érection du phallus paternel, comme signifiant de la Loi (de castration).

La castration féminine, ce n'est encore qu'une allégorie du réel. Ce qui permet de le penser et de le faire entrer dans la structure humaine, de le domestiquer, selon l'économie du principe de plaisir.

Mon expérience m'a projeté au-delà de l'humain. J'en suis revenu changé. Elle m'a aussi permis d'entrevoir la possibilité d'une sortie de l'enfer. Cet enfer que nous avons construit pour nous barricader contre l'abîme. Enfer de la science, de la nécessité économique qui voue des milliards d'êtres humains à l'esclavage. Ce dont certains parviennent à tirer profit, en se mettant du côté du maître supposé.

Supposons qu'il n'y ait pas de maître. Cela passe par la reconnaissance de l'abîme. Mais c'est difficile : le peuple c'est bien connu réclame un maître. Ce qui explique que toute révolution jusque là n'ait abouti qu'à l'instauration d'une dictature populaire réactionnaire. Passage par l'extrême peut être nécessaire à l'évolution historique. Il semble bien que l'on se soit heurté à un mur difficile à franchir. La question est : peut-on le franchir ? A quelle condition, à quel prix ?

Celui du dépassement de l'humanité. Mais pour mettre quoi à la place ? Une alliance, c'est-à-dire une croix : 

Alliance de la Division Humaine

C'est la croix sur laquelle brûle le cœur de l'homme au feu de son désir.