Il est possible de penser Antiquitées

Troisième État



Quatre États sont sur le devant de la scène du Monde : L'Amérique, l'Iran, Israël, L'Arabie Saoudite. Tous quatre sont à la pointe du discours religieux, chacun avec sa version propre de l'absolu, un absolu étrangement particulier et exclusif, nationaliste ou raciste : non universel.

Trois de ces États forment un triangle dans la région du proche orient : l'Iran, l'Arabie, Israël. Cette région est le noyau historique de notre monde. C'est de là qu'est parti la grande aventure de l'homme moderne.

Le quatrième, l'Amérique a une position extime par rapport aux autres et au reste du monde. C'est le représentant du "Nouveau Monde", un concept mystique autant qu'une réalité concrète. Cette nation a conquis la première place parmi les nations et il est spécieux de lui en faire le reproche. Ses plus féroces détracteurs, enfourchant le dada de l'anti-impérialisme, sont aussi ceux qui tel Iznogoud le maléfique n'espèrent que de prendre leur place.

Cette nation si forte - l'Amérique, est aux côtés d'Israël et Israël dans l'espace, le triangle proche oriental défini plus haut, est la première des nations. Elle est notamment la seule à posséder l'arme atomique. Ses voisins s'en inquiètent légitimement, compte tenu de la situation régionale objective, plutôt tendue.

Le triangle régional oppose un sommet Juif à deux angles islamiques concurrents : l'Iran chiite et l'Arabie sunnite. Enfin ce triangle est lui-même englobé dans le cercle de l'empire mondial américain, anglo-saxon, blanc, chrétien (protestant).

Les Américains soutiennent préférentiellement Israël, mais ils sont aussi plus proche de l'Arabie monarchique et capitaliste que de l'Iran républicain voire populiste. Le chiisme en effet marie étrangement des thèmes que l'on dirait en occident de gauche, avec des principes religieux plutôt, voire franchement réactionnaires.

Quel gouvernement donner aux populations du proche et moyen orient ? Seront-elles un jour aptes à la démocratie, ou jamais ?

Un gouvernement ne se donne pas. Et la démocratie est un modèle relatif. Ce n'est pas le meilleur absolument. Il n'y a donc pas de modèle à imposer de l'extérieur. Ceci est une position idéologique qui comme telle ne peut avoir que de mauvais résultats. Mais si on pense que le statu quo est la meilleure des solutions, on se trompe aussi : il faut laisser se développer les lignes de force historiques et ne pas stopper tout changement violent ou non, au nom de la sécurité internationale. Toute évolution implique en effet son lot de souffrance et de violence. Les grandes puissances occidentales et non occidentales auraient tort de geler l'évolution naturelle des pays plus petits. Par ailleurs, il ne peut y avoir de vrai constitution démocratique sans autonomie nationale : indépendance et liberté ne peuvent être imposées !

On le voit bien en Irak qui est au centre du triangle défini. Un centre éclaté et malheureux. Cependant le désastre s'étend au lieu d'être endigué. La Palestine, ou plutôt la réserve palestinienne, sous haute surveillance israélienne, s'enfonce dans l'anarchie et la décomposition sociale. Le Liban à peine remis d'une dure guerre civile, est rentré à son tour dans une spirale infernale, inspirée largement par le tout puissant Israël. Cependant comment ce dernier peut espérer un jour vivre en paix au milieu de ruines, avec des millions de gens jetés sur les routes, leurs maisons détruites, leurs espoirs anéantis, la haine au coeur ?

A quoi sert dans tout cet enfer la religion ? Elle sert à mobiliser les masses, c'est-à-dire à les maintenir sous contrôle, à les endormir. La guerre et la religion ont toujours fait bon ménage. Ce qui pourrait arriver de mieux, c'est un réveil général des consciences :
- Un soulèvement démocratique en Arabie Saoudite, qui est politiquement l'État le plus arriéré du monde.
- Un coup d'état militaire en Iran qui assurerait la transition vers une république laïque pragmatique.
- Une crise de conscience morale en Israël qui permettrait à tous de comprendre enfin que la puissance donne plus de devoirs que de droits.

Mais il reste l'Amérique, qui enserre le monde dans son cercle. Et voilà le coeur de la question : l'Amérique pourrait-elle cesser d'être et de vouloir être une nation chrétienne ? Quel alibi moral pourrait-elle alors donner à son hégémonie et à son exercice ? Car c'est bien là la racine du problème. L'homme ne peut penser la puissance et la légitimer qu'en la référant à un principe métaphysique qui l'absout de ses propres responsabilités. La charge de la puissance est bien trop lourde à porter pour un simple mortel.

Cependant si une puissance absolue existe, elle ne peut être appropriée ou revendiquée par personne. Cette puissance est au-delà des États. S'en réclamer pour justifier sa politique, c'est un blasphème. Le mariage de la religion et de la politique, c'est le retour à Rome et au culte impie de l'Empire. A quoi bon les diatribes de Zarathustra, les martyrs chrétiens, l'effondrement de l'idéologie scientiste des États communistes ?

Ce qui se passe actuellement, c'est le passage douloureux de l'humanité de l'âge mythique à l'âge de raison. Ce n'est pas une guerre pour le pétrole ou je ne sais quoi d'autre. Ce qui est en jeu, c'est la Conscience. Quand la lumière sort des ténèbres, sa clarté effraye. On voudrait rester endormi, en repos.
Mais...
À ce qui ne sombre jamais,
Comment échapperait-on ?

(Héraclite)