Antiquitées

Les types de discours
15/10/2006




Toute société implique des normes, ce qui s'appelle tradition dans les sociétés... traditionnelles et loi dans les notres. Cela s'applique aussi aux discours. On cherche toujours à les fonder sur une autorité, spécialement dans la religion.

La psychanalyse nous a appris qu'il y a au-delà du discours normatif, un autre discours ou dire plus originel et qui échapppe à toute volonté de contrôle, de censure. Celui-là ne se fonde par sur une autorité désignée, même pas quand elle s'appelle Freud ou Lacan. C'est un discours sans Nom du Père.

Un discours libre si on veut. Si libre d'ailleurs que le sujet a du mal à pouvoir s'en reconnaître... le sujet. Qui parle dans ce lieu de l'inconscient ? Il n'y a pas là à dire vrai un sujet. C'est tout le problème. Il faut dire "ça parle". Du coup on peut y chercher des révélations, des vérités qui échappent au sujet de la conscience ordinaire. On peut se servir de l'inconscient comme d'un oracle. Mais il faut alors être prévenu que ce discours s'exprime en énigmes défiants le sens commun. Et l'interprétation comme il se doit ne fait bien souvent que refléter les a-priori (conscients ou inconscients) de son auteur.

C'est pour cela d'ailleurs que le must de l'interprétation analytique, c'est simplement l'association... libre. Ou le silence. Au fond l'inconscient en tant que discours se moque du sens : il ne se fonde pas sur un sens, sur une volonté (qui suppose un sujet, un auteur) de signifier. C'est un ensemble organisé de signifiants qui se met tout seul, de façon autonome, à fonctionner. Alors que le sujet est déconnecté. Ce spécialement dans le rêve qui est la voie royale de l'inconscient.

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Toute société suppose des normes. Pourquoi en est-il ainsi ? C'est que la nature a besoin de formes. Chez l'homme la culture tient lieu de forme naturelle. Il est remarquable que ce sont surtout les mâles qui insistent sur le devoir du respect des formes établies. Ils ont pour ainsi dire le monopole de l'autorité. Et ce d'autant plus qu'ils sont plus âgés. Ce faisant, ils instaurent donc une censure de l'esprit qui peut aller jusqu'à la dictature, surtout quand l'autorité est fondée sur des archétypes religieux par définition immuables. Quand ils contrôlent la société, elle ne peut plus évoluer, l'esprit se meurt. C'est le triomphe de la réaction et de la répression. La mort remplace la vie. Ce type de société est condamné à  l'échec.

Pour éviter d'en venir là, il faut veiller à toujours maintenir ouvert l'accés à cet autre lieu que Freud a nommé l'inconscient. Pas seulement en favorisant la pratique analytique, mais aussi en soutenant les créations artistiques, c'est-à-dire la liberté de créer et d'inventer de nouvelles formes culturelles, de les travailler, de les faire évoluer. Il faut aussi soutenir le travail purement spéculatif et cesser de vouloir obsessionnellement le rattacher à une fin utilitaire.

Cela ne signifie pas qu'on n'ait plus besoin de normes et d'autorité(s). Mais il faut entrer dans un discours dialectique, complexe, riche de contradictions. L'inconscient ne peut pas et ne doit pas remplacer le conscient. Mais il ne doit pas être exclu : il faut lui reconnaître une place légitime.

Si l'inconscient est créateur de symptômes, c'est parce qu'il veut être entendu, cette volonté ne supposant aucun sujet : elle est un fait de structure. Plus on refoule l'inconscient, plus les symptômes  se font violents. Au-dedans de l'être, il existe en effet une dimension de pure énergie ; de feu. Et la parole en tant que verbe est en son essence feu. Ce feu n'est pas extinguible. Si l'on fait alliance avec lui, il est puissance féconde, mais si on le repousse il peut devenir puissance destructrice.

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Le feu a besoin de brûler. C'est sa nature : il dévore. On ne peut pas l'arréter. On ne peut pas l'éteindre. L'être est en feu. Le feu est l'essence absolue, c'est-à-dire l'essence pure. Le feu clair, chaud et léger, s'oppose à l'humidité froide, obscure et pesante. Comme la matière s'oppose à l'esprit. La lumière aux ténèbres. Le mouvement à l'immobilité. La liberté à l'aliénation. Le ciel à la terre...

L'esprit-feu veut se libérer de la matière. C'est-à-dire qu'il y tend par un fait de structure. Ainsi la mort peut s'interpréter comme une victoire du feu libéré de la matière. Mais il ne faut pas oublier que ces dichotomies ne sont que l'expression dialectique d'une réalité unique : vie et mort sont les deux faces d'une même réalité. Aussi il ne s'agit pas de prendre parti pour l'une de ces parties relatives contre son opposé dialectique, mais de les transcender pour parvenir à concevoir l'unité absolue.

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Je cherche à définir une structure qui pourrait être cosmique :


CIEL
JOUR NUIT
TERRE



Mais il en est d'autres possibles, par exemple :


ESPRIT
ABSOLU RELATIF
MATIERE



Ici le cosmos devient plus abstrait, mais peut-être aussi moins réel, c'est-à-dire moins pertinent.

La structure dont relève l'être : qui le structure - est donc à mes yeux avant tout cosmique. C'est le monde qui crée en notre psychée un ordre originaire. A partir de cet ordre premier, la psychée est ensuite capable d'élaborer de multiples raffinements logiques. Sans le monde extérieur qui la modèle, la psychée ne saurait produire des formes. Nous habitons donc bien un monde réel. Ce qui n'est pas si facile à démontrer...

Ce n'est pas Dieu qui nous a créé et façonné, mais le monde. Notre forme propre est déterminée par notre entourage, notre milieu, notre environnement. Mais en même temps, il faut bien faire attention qu'il y a plus d'une dimension dans l'être : la dimension physique n'est pas l'unique : il y a aussi la dimension métaphysique et elle est toute aussi réelle.

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Ce que je m'attache à penser et à effectuer à travers tous ces textes, c'est l'alliance de l'un et du multiple (le quadruple), du ciel et de la terre, de l'absolu et du relatif, de l'esprit et de la matière. Autant dire que je cherche la quadrature du cercle, à moins que ce ne soit la pierre philosophale...

On peut penser celà en termes de noeuds, selon la voie lacanienne. Mais je m'avoue assez pauvre en mathémathiques. D'autres voies sont cependant possibles et ouvertes. Pour peu qu'on veuille bien pousser la porte...