Je suis un corps Antiquitées

Traversée de l'abîme



Le Temps

Il fut un temps où par les traditions, les individus étaient appelés à s'intégrer dans un ordre social leur préexistant, fondé mythologiquement. Les jeunes devaient alors perdre une part de leur naturalité pour s'inscrire dans cet ordre politique exigeant le respect envers les formes sociales fixées immuables, les anciens et les ancêtres.

Aujourd'hui, c'est comme s'il ne restait plus rien à transmettre. Le mythe est mort, la société se fonde sur sa propre capacité autoproductive, matérielle et immédiate, sans référence à un Autre temps ou lieu symbolique. Le peuple, la nation, l'humanité, ne sont plus porteurs et mobilisateurs. C'est comme si nous étions prisonniers du présent, sans passé, sans avenir possible.

L'individu ne doit maintenant plus rien à un ordre le précédant, dans le temps comme dans l'autorité. Les notions d'histoire et de passé collectif disparaissent des consciences. Et part là, c'est la notion de respect non seulement vis-à-vis des règles, mais aussi des personnes et notamment des anciens qui n'a plus cours dans la jeunesse.

Au contraire, c'est comme s'il y avait eu un renversement de la structure et que ce soient les jeunes que l'on charge de représenter la loi, au nom non plus d'un passé, d'une tradition à transmettre, mais d'un avenir à conquérir.

Face à ce désir de conquête de l'avenir, l'ordre ancien fait forcément figure d'obstacle et on voudrait l'abolir (Œdipe). Et on en est arrivé au point extrême où ce qu'il s'agit d'abolir, c'est l'histoire même, le temps, principe du réel. Sans passé pourtant, pas d'avenir possible.

Autrefois le Temps était intégré socialement grâce aux mythes, à une réflexion du cosmos en l'homme. L'on jouait des drames sacrés qui permettaient d'inscrire le réel du temps dans la chair de la communauté vivante (importance du calendrier des fêtes). L'homme pouvait alors se sentir intégré au cosmos : il était véritablement chez lui ici-bas.

Ce temps ritualisé est un temps cyclique, cosmique et mythique, c'est-à-dire éternel, hors de l'histoire humaine. Il ne s'oppose pas au temps historique, mais au contraire peut lui servir de fond. Car la pensée humaine a du mal à se déployer en dehors de toute référence à un ordre, système, forme logique. Le mythe servait de cadre intégrateur. Sans cette base, ce sol (grund en allemand), la pensée se perd dans l'infini et l'indéterminé : c'est le retour du chaos originaire.

Aujourd'hui l'individu est tout et il ne perçoit le temps que comme un embarras contingent dont il ne sait et ne peut rien faire : c'est le triomphe de l'image sur le réel. Le sujet n'existe plus que par et dans l'image (l'anorexie est une maladie psychique qui en est l'un des symptômes). La société toute entière est devenue une entreprise de production de l'Image (situationnisme, Guy Debord). Système de l'idolâtrie instituée : triomphe de l'illusion.

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La Religion du Phallus

Si l'on se demande pourquoi la civilisation va mal, répondra-t-on alors que c'est parce qu'il n'y a plus de religion, diagnostic posé depuis longtemps par les militants du renouveau islamique, qui amalgament le refus de l'aliénation structurelle (sociologique) au refus de la domination occidentale
(politique) ?

Ainsi les islamistes croient que le mal vient d'une différence identitaire, soit d'un déficit stigmatisant ceux qui sont en dehors de leur foi. Il y a le peuple supérieur, le peuple masculin et viril, dont la semence est bénie par Dieu, et il y a le reste de l'humanité qui doit être soumis sans pitié, à défaut de pouvoir être assimilé ou convaincu. (lire La Tentation, Renaud de Heyn, éditions La Cinquième Couche, Bruxelles, 2002/2006 - 3 tomes entre carnet de voyage et BD issus d'une rencontre pleine de pudeur et de sensibilité avec le Pakistan)

Les femmes qui de toutes façons restent en dehors de l'ordre symbolique, comme éléments du pur réel physique et sexuel, corps sans esprit, ne peuvent qu'être soumises : elles n'ont pas d'autre rapport à la loi. Tandis que les hommes eux, peuvent parce qu'ils sont esprit, s'identifier à la loi.

Ils sont esprit de par le phallus qui représente la transcendance et la victoire du désir sur la mort et le corps qui lui est voué.

Par le phallus, l'homme participe de l'être éternel. La religion est toujours d'essence phallique : elle est culte du phallus (par lequel on rejoint aussi l'ancêtre). Est-ce cela qu'il faut instaurer publiquement : Le paganisme achevé comme vérité refoulée de la religion ?

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Les Maîtres de l'Illusion

Mais pourquoi ce refoulement précisément ? Parce qu'il s'agit pour les docteurs de la foi en mal d'autorité, de prendre la place du principe naturel, qui pour cela doit en tant que tel être nié, refoulé. C'est ainsi qu'ils s'assurent leur prise sur les consciences et qu'ils en jouissent. C'est l'histoire de la prise de pouvoir du maître obscur sur la communauté, c'est-à-dire en fait, sur le principe naturel lui-même. Ainsi le capitalisme n'est pas d'abord une aliénation matérielle ou économique, mais une aliénation spirituelle, morale.

Le maître obscur, le maître des illusions, s'est assis sur le trône du principe, après l'avoir assassiné. Il a pris sa place, car il ne pouvait supporter qu'un autre que lui règne sur le monde. La motivation ici est simplement la plus vile : jouir et dominer, sans avoir à respecter les règles qui nous définissent tous comme égaux en humanité, sans plus ni moins de valeur que quiconque.

La jalousie a engendré l'intolérance, le sectarisme et le fanatisme. Les religions modernes sont nés de cet obscur désir de vengeance morale qui a renversé toutes les valeurs positives (vie, santé, force, noblesse), en valeurs négatives. Les prêtres et les prophètes ont condamné la vie, l'ont répudié et injurié, en s'en prenant d'abord aux femmes bien sûr, mais aussi à tout ce qui pouvait les mettre en danger eux, serviteurs du mensonge (cf. Nietzsche). C'est ainsi qu'ils ont refoulé l'instance et la fonction phallique.

Le corps sans phallus de la femme, est un corps sans dignité, sans dimension spirituelle transcendante. Un corps indissolublement lié à la dimension matérielle, à la mort, à la corruption de la chair, à ses faiblesses. Aussi une femme n'accède à la dignité sociale que par le moyen de son alliance avec le principe phallique : son mariage et le fait d'avoir des enfants. Ou plus simplement, en assumant son désir sexuel.

La religion officielle s'est bien sûr toujours servi de cette structure de base, pour faire et défaire rituellement les identités, les alliances, les passages et entrées dans telle ou telle classe sociale. Elle ne pouvait faire autrement que servir la société, mais en secret elle nourrissait le dessein paranoïaque d'être reconnue comme la détentrice de la vérité unique, de la vie au-delà de la vie, du principe métaphysique au-delà du prince politique. Bref, la religion est devenue totalitaire. C'est alors que l'illusion a commencé de prendre la place du réel.

De cette aliénation millénaire il y a enfin aujourd'hui moyen de s'échapper. Ne ratons pas l'occasion et frappons là où ça fait mal, pour que jamais plus la vieille sorcière métaphysique ne reprenne du poil de la bête.

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Le Sacrifice du Phallus

Le phallus n'existe que comme représentation symbolique, masque ou signifiant (cf. le masque de Dionysos). Il ne peut être représenté que par son absence de la représentation. En tant que principe de toute vie, il est en effet au-delà de la forme. Mais il n'existe que par et dans la forme.

Et d'abord ceci : le phallus n'est pas un maître : c'est le principe, la racine de vie. La communion avec le principe passe par le sacrifice qui est en son essence partage d'une alliance. L'un n'existe ainsi que par l'alliance réalisée dans le sacrifice. Le sacrifice sert à intégrer symboliquement l'un à la structure sociale, grâce au partage. Ainsi le principe cesse d'être aliéné, extérieur au social,  et devient puissance propre, incorporée.

L'un-social n'existe donc symboliquement qu'à partir de son sacrifice sous une espèce matérielle. Ce qui fait que toute société est porteuse d'une faute originelle constituante (cf. René Girard). Freud a identifié la victime du sacrifice fondateur du lien social avec le père (Totem et tabou). Certes, en tant que fondement symbolique du lien social, le sacrifié peut toujours être appelé "père", mais ce n'est là qu'une métaphore. Il n'est père que par la fonction symbolique et c'est par l'acte du sacrifice qu'il le devient : le vrai père, le père réel, c'est donc plutôt celui qui assume l'acte meurtrier du sacrifice. Celui qui ainsi prends la responsabilité de porter la faute au nom de la communauté : Brutus, Œdipe, voire Antigone, plutôt que César, Laïos ou Créon.

On voit que le sexe des acteurs de la scène originaire du sacrifice n'est pas essentiel. C'est bien l'acte, la position prise et choisie dans la structure, qui défini le sujet, pas le corps fétichisé (et marchandisé) qui serait l'identité absolue, naturelle, biologique et normale, à laquelle devrait obéir le sujet. Il y a en effet toujours un moralisme virulent derrière le discours naturaliste (et écologiste), qu'il faut apprendre à dévoiler pour le déjouer. Un peu d'ironie est ici nécessaire pour aérer les relents autoritaires et fascisants masqués derrière le culte de Sainte Nature.

Ce n'est pas mon sexe qui défini ma position de sujet dans la structure : ce sont mes actes, mes choix existentiels. Plus haut que la nature, il y a la liberté, le seul véritable absolu pour l'homme.

Dans l'acte du sacrifice, la faute de l'acte libératoire et purificateur, est aussi une souillure dont il faut se préserver. La faute est donc à la fois un élément positif et négatif, impur et pur, de toute façon nécessaire, inévitable. Peu importe qu'on la fasse porter comme une substance redoutable, à tel ou tel (Judas par exemple dans le christianisme, ou la communauté juive dans son ensemble, pour les nombreux fils de Néron, ou à tel personnage incarnant le mal aux yeux de la foule/horde meurtrière). On ne s'en débarrasse jamais.

L'important est que celui qui ose porter la faute (et en préserve ainsi les autres), en est aussitôt sanctifié en quelque sorte. Car la faute est aussi une substance pleine de pouvoir. Ce qui est redoutable, ce n'est rien d'autre en définitive que le pouvoir lui-même : ce qui est sacrifié revient comme force auto-négatrice dans l'acte du sacrifiant. Il y a là un circuit qui permet en même temps de manifester la force et de la maintenir dans le plan symbolique de la représentation rituelle. Le sacrifice est une opération d'alliance avec le principe, qui maintient en même temps la séparation avec lui.

La scène du sacrifice doit être éternellement répétée, parce-que la faute n'est jamais éradiquée. C'est elle-même le secret du principe : la faute est le principe. On peut les identifier absolument. Ils sont ce qui jamais ne cesse, création et destruction mêlées, bien et mal : négation de toutes les oppositions. Le sacrifice fait remonter à un temps de la structure où la séparation, les oppositions dialectiques, n'existaient pas encore. Et dans l'acte du sacrifice, ce qui est créé, c'est le temps lui-même.

Faute originaire, mais sans laquelle il n'y aurait rien que l'Éternel Même sans Autre. Dans la scène du sacrifice, le sacrifiant et le sacrifié, la mort et la vie, le couteau qui sépare et la coupe qui allie, sont Un, d'une unité paradoxale et fondatrice, car cette unité est en même temps, indissociablement, division.

Ainsi dans l'espace-temps sacré du sacrifice, ce qui s'accomplit c'est à la fois l'abolition du temps et sa création. C'est un retour actualisé au premier jour, au Big-Bang créateur, dont la science a bien du mal aujourd'hui a expliquer la structure physique paradoxale.

Le sacrifice est le point cosmique central à partir duquel le monde est structuré. C'est un point en dehors de l'espace-temps profane, qui en est pourtant le principe, le germe toujours agissant.

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La Planète des Signes

Pourquoi est-il besoin d'un sacrifice pour fonder quelque chose ? Parce que dans la mentalité archaïque, rien ne se crée qu'à partir de quelque chose. La bête sacrifiée est d'abord une forme, un principe dynamique : une âme. C'est cette âme, son énergie, sa force organisatrice et vivifiante, qui sert à la fondation ou à la perpétuation du lien social. Cette force est sensée être notamment présente dans le sang, d'où sa dimension sacrée, qui en fait un objet à la fois tabou et purifiant : un support de pouvoirs en tous cas.

Le symbole a des effets dans le réel. C'est encore ce qu'il y a de plus difficile à comprendre. Il ne s'agit pas que d'autosuggestion ou d'effet placebo. La magie opère réellement. Tous ceux qui ont eu l'expérience du chamanisme le confirment. La religion aussi a des effets réels, et le sacrifice opère réellement une alliance. C'est que l'homme n'habite pas qu'une dimension matérielle : il habite aussi pleinement, complètement, la dimension des signes : la planète des signes !

Le réel est donc autant constitué de symboles que de matière ou de corps naturels. Peut-être peut-on faire ici référence à Lacan et à son noeud borroméen réel-symbolique-imaginaire qui noue inextricablement les trois dans l'un du symptôme. Lacan d'ailleurs situe expressément le père comme symptôme.

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Le Réel, l'Imaginaire et le Symbolique

Qu'est-ce que le symptôme ? Ce dont on ne peut se passer pour se constituer comme sujet du symbolique. Seul le psychotique s'en passe, mais il en paye le prix d'horreur pure d'être confronté à un réel innommable et irrefoulable : un réel hors symbolique.

Ici on pourrait dire, le meurtre du père (métaphorique) fondateur n'a pas eu lieu. L'alliance est inactive. Le symbolique (trait unaire d'identification au père) n'a pas été incorporé. C'est que pour qu'une pareille identification/incorporation ait lieu, il faut que le père en tant qu'image porte enseigne (totem) soit sacrifié. Soit, que le père consente à sa propre dépossession dans le symbolique du symptôme qui va faire lien familial. Et par là son aliénation à l'Autre du signifiant.

Si le père refuse cette aliénation constituante et structurante du lien familial, il risque de produire une psychose, ou en tous cas de la préparer.


Nous avons donc trois pères :

- Le père imaginaire, le père porte enseigne, l'ex totem primitif, est celui qui doit être sacrifié.
- Le père symbolique, celui qui fait lien social, est le produit du sacrifice : c'est le père mort dans la réalité, mais toujours vivant dans le plan du mythe éternel.
- Le père réel, c'est le sacrificateur, le meurtrier : celui qui assume au nom de la communauté (pour son salut ou sa purification), l'acte du sacrifice et la faute irrémédiable qui en résulte.

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Religion et Pouvoir

Maintenant la dernière question, la plus difficile : que fait le père de la famille moderne à la place du totem archaïque ? Qu'a à voir le père avec le totem ?

Le sacrifice de l'ancêtre animal (totem) instituait un ordre, une structure symbolique, auxquels la communauté pouvait participer, s'identifier, qu'elle pouvait intégrer comme son nom propre.

Le père dans la société patriarcale antique est devenu le porteur de ce nom propre : porteur du principe symbolique de structuration social. C'est à dire qu'il a réuni en sa personne tous les pouvoirs (religieux et temporels). Freud a donc eu tort, parce qu'il a plaqué une réalité sociale actuelle (le patriarcat) sur la société primitive, d'ailleurs largement mythique.

De cet ordre social actuel, c'est la religion catholique universelle qui est la principale responsable. Quel est le principe de la religion catholique ? C'est de marier le pouvoir temporel au pouvoir spirituel, c'est de faire religion du pouvoir. Ce en quoi elle est bien l'héritière de Rome.

Il a bien fallu ainsi faire passer le sexuel sous l'empire de l'autorité patriarcale, de l'un impérium absolu dont le père est dans la sphère familiale le représentant légal autorisé. Ainsi politique, sexuel (phallique), économique, militaire, symbolique, le pouvoir du père représentait dans la dimension terrestre contingente, la puissance absolu du principe métaphysique abstrait élaboré par la théologie impériale officielle.

Dans le totémisme, l'ancêtre n'est nullement un représentant du pouvoir temporel : ce n'est qu'une métaphore du lien social. Dans l'état mythologique qui précède l'état religieux, il n'y a pas de pouvoir politique différencié. Celui-ci n'émerge qu'avec les états centralisés, en même temps que l'écriture qui est saisie du réel par la parole au-delà de la personne royale actuelle. Déjà se réalise la distinction entre corps mortel (actuel) et corps immortel (virtuel) du roi. L'écriture permettant que se survive dans l'absolu le principe de l'autorité souveraine, bien fragile par ailleurs dans la réalité.

C'est par l'obsession d'une absolutisation du pouvoir, le garantissant contre tout ennemi négateur (Satan), que la religion moderne est apparue, préparant par là le travail de rationalisation totalitaire du réel par la science. Jusqu'à l'invention de l'arme absolue qu'est la bombe nucléaire, enjeu de l'hégémonie mondiale.

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Tableau Historique

Je dois ici faire un petit résumé de l'histoire des structures sociales :

1) état premier, a-symbolique, naturel, inconscient, indifférencié : la puissance absolue est la nature.
2) premier état symbolique, institué par le sacrifice : état mythologique. La puissance absolue est représentée comme principe métaphysique impersonnel (brahman, mana, orenda, manitou, wakan), mais ne s'incarne pas et ne se différencie pas socialement.
3) état théocratique, où le pouvoir temporel se différencie : apparition de l'État structuré autour de la personne du souverain, incarnation du principe absolu.
4) état rationnel qui peut-être soit métaphysique et totalitaire (l'État politique est l'incarnation de l'absolu : Hegel/Marx), soit matérialiste et démocratique (l'État n'incarne plus l'absolu).
 
Pour en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez aller consulter cette page : Phénoménologie de l'Absolu, dans le Cours d'Anthropologie Fondamentale de Yurugu.

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L'Ère Post-Humaine

Pour nous contemporains de l'État démocratique de la 4ème structure, l'absolu est donc au-delà de l'État. Mais ce n'est plus un absolu métaphysique impersonnel (2ème structure). Ce n'est pas non plus une personne souveraine (3ème structure). C'est un absolu rationnel concret : un objet technologique. L'appareil technologique surpuissant (la bombe nucléaire) signant la fin de l'ère humaine et l'entrée dans l'ère post-humaine (= ère nucléaire).

Aujourd'hui l'ère post-humaine a enlevé au père le prestige de la puissance phallique. C'est la science génétique qui est devenue maîtresse de la reproduction sexuelle. Du coup s'ouvre un abîme dans les identifications sociales. D'où le retour obligé du religieux (islamisme) comme réaction dialectique nécessaire à la perte de pouvoir réel de l'homme sur l'homme (et la femme).

Tout cela ne nous emmène-t-il pas à penser que nous en sommes aujourd'hui arrivé à l'heure de l'aliénation suprême ? C'est à l'heure où le péril est le plus grand que le salut est le plus proche, disait (à peu près) Heidegger. Cela ne nous rassure pas vraiment hélas.

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Fin

Poursuivons : à la place du principe absolu, s'ouvre un abîme, un vide qui est l'espace absolu. On peut le nommer Liberté, mais on ne peut lui assigner de sens. On ne peut le signifier que par l'acte du sacrifice. C'est pourquoi toute vraie religion est fondée au-delà du sens, à l'opposé de la foule des fausses qui nous encombrent aujourd'hui et qui ne sont que refoulement et mensonge : symptôme du réel impossible.

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Le père est celui qui est gardien du phallus, non en son nom propre, mais au nom de la communauté. Il n'en est le gardien que pour autant qu'il en a assumé le sacrifice.

Le phallus n'est assignable à aucune personne ou identité particulière (notamment sexuelle). Il n'existe que dans le partage et l'alliance, comme fondement du lien social.

Le phallus représente le vide dans le plein, l'esprit dans le corps, l'autre dans le même, le temps dans l'être. Il est manque et désir : nécessaire moteur du monde.

Le fondement de la structure est de nature religieuse. Il n'est ni politique, ni purement logique ou rationnel.

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Peut-être voit on ici apparaître la possibilité du passage d'un sacrifice religieux, purement rituel, à un sacrifice actualisé dans le réel du lien social, ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. Mais encore fallait-il le savoir. Ce sera dans cette voie ici ouverte que je m'engage à poursuivre.